Anthropologie du Châtiment
Prisoners Exercising, also known as Prisoners' Round,
by Vincent van Gogh
Didier Fassin
Institute for Advanced Study, Princeton
École des hautes études en sciences sociales, Paris
La manière dont on punit les crimes, les délits ou les fautes a fait l’objet de longue date d’une littérature essentiellement normative – religieuse, philosophique et juridique – prescrivant le juste châtiment à infliger au coupable. Cette approche, les sciences sociales l’ont, dès leur origine, déstabilisée, d’une part, en contestant la logique faisant découler la peine de l’infraction alors que, comme l’affirme Durkheim dans De la division du travail social, c’est de la sanction qu’on peut déduire la transgression, et d’autre part, en montrant, ainsi que le fait Malinowski dans Crime and Custom in Savage Society, que les principes régulant tant la définition du crime que les conditions du châtiment varient selon les cultures et les circonstances. Un demi-siècle plus tard, c’est du côté de l’histoire qu’est venu l’ébranlement avec Surveiller et punir, dans lequel Foucault bousculait l’idée d’un adoucissement des peines lié à l’avènement de la prison. Avec le tournant punitif, amorcé dans les années 1970 dans les sociétés occidentales et se traduisant par un considérable accroissement des populations carcérales, la question de la peine se trouve posée à nouveaux frais : qui punit-on, comment, pour quoi et dans quel but? En dialogue avec l’anthropologie et la sociologie du droit ainsi qu’avec la philosophie morale et les études juridiques, l’anthropologie politique et morale du châtiment proposée dans le séminaire s’efforce de définir un cadre de pensée des fondements et des régimes de la punition ne se limitant pas à ce que définit le droit et que met en œuvre la justice. Elle associe une triple dimension historique, comparative et ethnographique incluant les formes extra-légales ou extra-judiciaires du châtiment. Elle s’appuie notamment sur une recherche conduite depuis dix ans sur la police, la justice et la prison. Le séminaire comporte des exposés formels, des interventions d’invités et des lectures de textes classiques et récents, analysés et commentés par les participants.